«On parle d’une moyenne de 4000$ à 5000$ de denrées volées par semaine, tout dépendant du magasin», explique Stéphane Lacasse, vice-président des Affaires publiques à l’Association des détaillants en alimentation du Québec.

Le phénomène a commencé à prendre de l’ampleur l’automne dernier. La Banque du Canada venait alors de hausser son taux directeur pour la cinquième et la sixième fois en quelques mois pour contrer l’inflation.
Les produits de luxe comme la viande, l’alcool et le fromage sont ceux qui sont les plus prisés par les voleurs, estime M. Lacasse.
Encore la semaine dernière, un homme de 36 ans a été arrêté par la police de Québec, rue Saint-Laurent, après avoir subtilisé des steaks au IGA Deschênes.

Des photos de l’arrestation par plusieurs policiers obtenues par Le Journal montrent que ce fléau est pris au sérieux par les forces de l’ordre et les marchands.

Des demandes d’aide qui explosent
«Ce que ces gens ne comprennent pas, c’est que les commerces doivent compenser ces pertes-là en augmentant les prix, par exemple. Ça a un impact sur l’entièreté des clients», souligne Stéphane Lacasse.
«On comprend qu’il y a des gens qui vivent des difficultés, mais il y a d’autres solutions», poursuit-il.
Parmi celles-ci, on retrouve notamment les banques alimentaires qui, contre un montant dérisoire, peuvent fournir une épicerie complète. Ces organismes peuvent d’ailleurs témoigner mieux que quiconque des enjeux financiers actuels dans la population.

«En quelques mois, on est passé de 600 personnes aidées par semaine à environ 1100!» s’exclame Pierre Gravel, le directeur général de La Bouchée généreuse, dans Lairet.
Le Journal l’a d’ailleurs constaté jeudi matin, alors que des centaines de personnes faisaient la file devant l’établissement, sous la pluie. Des situations semblables sont aussi rapportées par Moisson Québec et Entraide Agapè.
«Ça n’arrête pas, c’est l’enfer. J’ai peur de brûler mes bénévoles. Le monde n’a plus d’argent pour manger», déplore M. Gravel.

Des visages qui changent
Les différents organismes contactés par Le Journal ont aussi observé un changement dans leur clientèle. On voit de plus en plus de petites familles et les revenus des ménages qui demandent de l’aide sont de plus en plus élevés.
«On a des gens qui ont un salaire annuel familial de 80 000$ et qui n’arrivent plus. On ne voyait pas ça avant. On a une augmentation de 28% de notre clientèle qui travaille», indique François Dion, coordonnateur alimentaire chez Entraide Agapè.

À la Bouchée généreuse, Mélissa Larouche confie d’ailleurs ne plus avoir d'autre choix que de faire appel aux banques alimentaires depuis plusieurs mois, malgré son emploi de conceptrice graphique.
«C’est vraiment fou, je n’ai même plus les moyens d’aller chercher des fruits ou des légumes. Je sais ce que c’est que de passer une journée avec seulement deux bouchées de yogourt dans le corps», raconte-t-elle.
CE QU'ILS ONT DIT
«Au début, je ne voulais pas d’aide. J’ai passé trois semaines presque sans manger.»
«Quand ta livre de beurre est rendue à 6$, c’est pas surprenant que les gens soient rendus à voler. Les salaires ne suivent pas.»
- Pierre Gravel, DG de La Bouchée généreuse
«Je travaille dans le domaine de la santé et je ne gagne plus assez pour subvenir à mes besoins. On est rendu là.»
- Kevin Ulrich, usager des banques alimentaires.
«Il y a clairement eu un avant et un après-pandémie. On est passé de 35 000 bouches nourries par mois dans la région de Québec, à 80 000.»
- Élaine Côté, directrice générale de Moisson Québec.
Journal de Québec